Mythopia

Un vin que j'aurais pu siroter pour toujours...

Bon, j'avais goûté le vin et compris une partie du mythe. Il me fallait maintenant rencontrer le vigneron et voir les vignobles, là où la magie opère. Quelques semaines plus tard, lorsqu'un ami m'a proposé d'organiser une visite, je n'ai pas hésité. Après avoir trouvé le chemin du domaine, nous nous promenons dans les vignes, admirant le paysage magnifique et écoutant l'histoire de Hans-Peter.

En 2004, il s'est installé à Ayent avec sa femme Romaine, au cœur des Alpes suisses, avec le désir de lancer un projet d'agriculture biologique - pour prouver les effets de la biodiversité et des pratiques biologiques sur la qualité des produits cultivés. Selon ses propres mots, "nous voulions montrer qu'un meilleur travail dans le champ donnait de meilleurs produits, mais il n'y a pas de panneaux de dégustation pour le pain, donc nous n'avons pas cultivé de blé ; nous avons cultivé des vignes parce que le vin est un excellent moyen de montrer la qualité, si ce n'était pas pour cela, nous aurions pu planter n'importe quoi ! Même des bananes". Heureusement, il s'en est tenu à la vigne.

Il a donc réintroduit l'écosystème dans ses vignobles. Tout d'abord, il a arraché la moitié des vignes pour laisser les autres respirer et faire de la place. Ensuite, il a introduit de nouvelles espèces de plantes, de fleurs, d'arbres fruitiers et de légumes, en plantant les graines et en laissant la nature faire sa magie. Quelques ruches et quelques haies pour que les oiseaux puissent nicher ont été ajoutées pour que tout se passe bien. "Il s'agit de trouver le bon équilibre entre faire et laisser faire".

Résultat, aujourd'hui en 2017, les spécialistes ont inventorié pas moins de 64 espèces de papillons vivant dans le vignoble, soit plus de la moitié des espèces présentes en Suisse ! Vous parlez d'un écosystème riche !

Cela fait environ une heure que nous nous promenons dans ce merveilleux vignoble, qui ressemble plus à un jardin, dégustant des tomates sucrées et juteuses, des feuilles de menthe poivrées, des baies sauvages follement fraîches et quelques raisins ici et là lorsque nous retournons à la cave pour enfin goûter les vins !

Après une dizaine de minutes dans la cave, Hans-Peter revient avec quelques caisses sous les bras et commence à présenter les bouteilles sur la table, à côté de fantastiques verres artisanaux soufflés à la main qui correspondent parfaitement à sa philosophie. Je dois me gratter les yeux pour croire ce que je vois maintenant, là, juste devant moi, se trouvent pas moins de neuf cuvées différentes, des blancs, des rouges, certaines dont j'avais entendu parler, d'autres dont je ne connaissais même pas l'existence, certains millésimes anciens... Je suis comme un enfant dans un magasin de bonbons !

Avec Mythopia, chaque vin a une histoire, le nom, la méthode de vinification, l'élevage... prenez Disobedience par exemple, pour ce vin, Hans-Peter a tout fait en désobéissant aux "règles" habituelles, à chaque étape, d'où le nom. Finito ? Buvez-le, appréciez-le et n'en parlons plus, d'accord ?

La dégustation de chacun de ces vins a été une révélation. Wild Geboren (né sauvage), un chasselas ayant subi une année entière de macération carbonique et quatre ans en fûts de mélèze, mis en bouteille sans être filtré, m'a tout simplement époustouflé. Ce vin donne l'impression d'une promenade en forêt par une journée d'automne ensoleillée, vous ressentez l'odeur des aiguilles de pin, la fraîcheur et l'énergie des arbres et ce rayon de soleil vibrant sur vos joues froides. À la seconde où vous le sentez, vous savez que vous allez vivre quelque chose de différent, de nouveau et de surprenant, quelque chose d'assez sauvage en effet, mais une expérience que vous n'êtes pas prêt d'oublier.

Les rouges sont tout aussi fantastiques, ils me rappellent des vins que j'ai déjà dégustés, mais il s'agit de certains des meilleurs pinots bourguignons ! Les tanins sont soyeux, le fruit est sombre, ce sont des vins juteux et généreux dont on se souvient. On a envie de sentir leur parfum délicat, de prendre une petite gorgée et d'admirer leur couleur en les faisant tournoyer dans son verre. Nous les avons laissés respirer dans le verre pendant quelques minutes, le temps de disserter sur les bienfaits d'un long vieillissement et d'une micro-oxygénation en barriques usagées, avant de revenir les voir et de constater qu'ils s'étaient ouverts pour montrer encore plus de vibration et d'énergie.

Je suis là, dans le plus petit village des Alpes suisses, entouré de plus de papillons que d'âmes vivantes, et je n'ai qu'une idée en tête : "Mes amis de Vosne-Romanée ont intérêt à faire attention !".

Edouard Thorens - 2017